SAMAYA x TANGUY DONNARS
LE HASARD D’UN VOYAGE
Tanguy, étudiant en design industriel, s’interroge pour son mémoire sur les phases de planification, de préparation ou de rétrospective d’un voyage qui sont des moments d'effervescence et de décantation déterminants. Il part 2 mois à vélo jusqu’aux Balkans, enquêter sur l’essor de l’itinérance, sa portée dans le quotidien d’un citadin et la sobriété qu’elle suscite.
« Au début, j'avais prévu six mois en itinérance. Cependant, après réflexion et discussions, j'ai réalisé que fixer une durée pouvait créer une attente envers moi et donc une pression inutile. Ce voyage était axé sur mes recherches plutôt que pour mon expérience personnelle. Partir sans date précise offre une liberté et une légèreté appréciables. C’est pourquoi je suis parti seul et sans planning précis : pour pouvoir m’adapter aux événements, me connecter aux gens et vivre le moment présent sans poids supplémentaire. Je n'étais pas dans une logique de performance. J'observais le monde passer autour de moi, ce qui devenait une façon de mener ma recherche.
Pour orienter un minimum mon voyage, j’ai pris la direction d’une course de VTT en Grèce, la Hellenic Mountain Race. Cette course est très intéressante par son voyage jusqu’à elle mais surtout car je souhaitais interviewer un des participants, Marin de Saint-Exupéry. J’ai construit mon voyage autour de ça pour atteindre cette destination.
Il fallait que je rencontre des gens sur place. J'ai alors varié mes modes de voyage. Par exemple, j'aime beaucoup emprunter des chemins de VTT, mais ça ne permet pas vraiment de croiser d'autres voyageurs. Je me suis donc dirigé vers les EuroVélo, ces grandes pistes cyclables internationales. Le plus souvent, quand je rencontrais quelqu'un sur la route, je m'imprégnais de ses habitudes et me greffais à son voyage. Mon voyage se construisait à travers le sien et à travers chacune des personnes rencontrées. De cette manière, j’ai expérimenté des coutumes que je n’aurais surement jamais essayé.
Ce qui est magnifique dans les voyages, c’est le hasard. J'étais installé dans une auberge de cyclistes, une association où les voyageurs sont accueillis par d'autres passionnés. C'est un bel échange de bons procédés, un lieu où les chemins se croisent naturellement. Et j’ai justement croisé Marin, celui qui guidait mon voyage. J'étais comme un gamin, complètement surexcité. J’ai commencé à discuter avec lui, lui faisant comprendre qu’on avait beaucoup à échanger. Il allait être bénévole pour la première édition d’une course de VTT dans les Balkans, la Accursed Race. Et, par un coup de chance incroyable, il cherchait justement un bénévole et le départ était à seulement trois kilomètres de l'endroit où nous nous trouvions. Non seulement j’étais nourri et logé, mais tout ça, grâce à un pur hasard, en travaillant aux côtés de quelqu'un que j’admire. C'était tout simplement incroyable.
Pendant tout mon voyage, ma tente, c’est l'endroit idéal pour passer la nuit. Après une journée entière à faire du sport, avec la fraîcheur qui s’installe, je me glisse à l’intérieur et j’entends les bruits environnants. C’est le sentiment de bien-être que je souhaitais. Elle était assez grande pour mes affaires et moi, ce qui me donnait une sensation de luxe. C’était mon refuge, surtout quand j'avais besoin de me poser, d’écrire, de prendre du recul.
Jusqu’à présent, je me sentais à l’aise avec la solitude, elle ne me faisait pas peur, même à l’idée de partir seul. J’ai essayé de ne pas avoir trop d’attentes, me laisser porter par le voyage. Puis, en Croatie, je me suis senti épuisé. Il y avait trop de monde et je ne parvenais plus à retrouver l’essence de mon voyage. J'avais perdu cette curiosité, cette sensibilité. Je ne trouvais plus ce qui m’avait poussé à partir. Le voyage s’était transformé. Ce n’était plus une exploration tranquille, mais plutôt une quête de performance physique. C’était étrange, je me sentais déconnecté. Plutôt que de forcer, j’ai décidé de prendre quelques jours pour voir si cela passait. C’était le bon moment pour rentrer. »